Comprendre la relation entre le mouvement et la respiration dans la pratique des Asana*
Article rédigé par Gheeta Shankar, Senior Yoga Therapist & Faculty, KYM Traduit de l'anglais par Céline Reynaud, Professeure de Yoga
L'enseignement des Asana dans la tradition du Krishnamacharya Yoga Mandiram (KYM) accorde une grande importance sur la respiration consciente.
Nous ne sommes généralement pas conscients de notre respiration. Celle-ci se fait de manière automatique, 24/24 et 7/7, tout au long de notre vie.
Mais dans la pratique des Asana, découvrir la relation naturelle entre la respiration et le corps peut faire une grande différence dans notre manière de pratiquer.
Tout d'abord, nous devons certes bien comprendre les fondements mécaniques du mouvement respiratoire, mais également saisir l'impact de la respiration sur notre corps, et l'impact du mouvement corporel sur la respiration.
Ainsi, la respiration consciente occupe une place centrale dans la pratique des Asana.
Observons tout d'abord la relation naturelle entre la respiration et le corps.
Les 3 organes principalement engagés dans le processus respiratoire sont les poumons, le diaphragme et l'abdomen.
À l'inspiration, la poitrine s'ouvre pendant que le diaphragme descend. Cela permet aux poumons de s'élargir et d'aspirer de l'air. Quand le diaphragme descend, le ventre est légèrement poussé vers l'extérieur.
À l'expiration, le diaphragme remonte et reprend sa forme initiale de dôme. Nous comprenons que les muscles de la partie haute et de la partie basse de la poitrine, le diaphragme et les muscles abdominaux ont besoin de travailler de manière synchronisée pour permettre à notre respiration d'être pleinement efficiente. Si l'un de ces muscles est raide, tendu ou faible, cela aura un impact direct sur notre respiration et nous ne pourrons plus profiter pleinement de tous les bienfaits d'une respiration ample et complète.
Il est également très important de comprendre que le processus de l'inspiration et de l'expiration est intimement lié au mouvement de la colonne vertébrale. À l'inspir, la poitrine s'ouvre, les muscles érecteurs qui relient les côtes à la colonne vertébrale se contractent, ce qui vient étirer la colonne vertébrale.
À l'expir, la colonne étirée se penche légèrement vers l'avant et retrouve sa courbure naturelle.
Tout au long d'une pratique d'Asana, la qualité de la respiration a une grande influence sur chaque mouvement, sur chaque posture et sur l'ensemble de la pratique. C'est pourquoi nous devons faire le meilleur usage de la respiration, de la colonne vertébrale, de la poitrine et de l'abdomen, en reliant la respiration au mouvement de manière à ce que la respiration aide le mouvement et que le mouvement soutienne la respiration.
Il y a des mouvements qui accentuent et soutiennent l'inspiration alors que d'autres accentuent et soutiennent l'expiration.
Par exemple, lorsque nous levons les bras, lorsque nous faisons une flexion arrière, lorsque nous sortons d'une torsion ou d'une flexion avant, la partie supérieure de notre corps s'ouvre et cela amplifie l'inspiration. À l'inverse, lorsque nous faisons une flexion avant, une torsion de la colonne vertébrale, ou dès qu'il y a une contraction de l'abdomen, ces mouvements augmentent l'expiration.
Une fois que nous avons intégré cette connexion naturelle entre la respiration et les mouvements de notre corps, nous pouvons synchroniser nos mouvements avec la respiration appropriée. Cette synchronisation est importante pour ressentir "Sthiram et Sukham" - la stabilité, la vigilance et le confort, pendant que nous faisons les postures.
Puisque la capacité respiratoire est différente selon chacun, il est important de rester connecté à sa propre respiration. Pour cela, nous devons être attentifs et observer la qualité de notre respiration tout au long de notre pratique des Asana, afin de toujours rester dans notre zone de confort.
Si nous ressentons le besoin de reprendre notre souffle entre deux mouvements, la respiration nous indique ici que nous sommes sortis de notre zone de confort.
Dans la tradition du Krishnamacharya Yoga Mandiram (KYM), nous utilisons une technique spécifique afin de synchroniser la respiration et le mouvement.
Nous commençons d'abord par la respiration appropriée, puis nous commençons le mouvement, nous terminons le mouvement, et enfin nous allons au bout de la respiration. Nous nous assurons que chaque mouvement est inclus DANS la respiration.
Nous faisons également une pause d'une seconde entre chaque partie de la respiration, pour ramener davantage d'attention à notre respiration et au mouvement.
Ces techniques ralentissent notre respiration, la rendant plus profonde et consciente. La respiration consciente nous donne un précieux feedback, qui nous permet de vérifier que nous sommes bien dans notre zone de confort.
Cela nous aide également à déterminer si nous pouvons rester dans une posture, et combien de temps nous pouvons y rester, ou à quel moment nous devons en sortir.
C'est également l'une des raisons pour lesquelles la respiration UJJAYI est conseillée au cours d'une pratique d'Asana - pour ralentir la respiration et la rendre plus consciente. La respiration UJJAYI est à la fois énergisante ET relaxante. Comme le dit Sri TKV Desikachar dans son livre "The Heart of Yoga":
" Quand nous utilisons la respiration UJJAYI pendant la pratique d'Asana, le son produit est uniforme, pendant l'inspiration ET l'expiration, nous permettant à la fois d'entendre et de sentir la respiration."
Enfin, il y a un lien très important qui nous reste à évoquer ici. La relation entre la respiration et l'esprit, le mental. Notre respiration est une sorte de pont entre notre corps et notre esprit. L'état de notre mental se reflète directement sur notre respiration. Lorsque notre esprit est agité, notre respiration est courte, rapide, et difficile. Mais lorsque l'esprit est calme et paisible, notre respiration devient automatiquement longue et fluide.
Une autre raison à cette respiration consciente, en plus des bienfaits physiques/physiologiques déjà évoqués, est que lorsque nous sommes concentrés sur notre respiration, nous sommes plus attentifs, plus conscients, et ainsi notre mental devient plus tranquille et plus calme. L'énergie du Prana*** circule librement en nous.
C'est ce qui donne cette sensation de "bien-être" après une pratique d'Asana. Toute action réalisée avec conscience produit de meilleurs résultats. Ainsi en est-il des Asana coordonnées avec la respiration. Nous observons comment notre esprit reste connecté à notre respiration et au mouvement, et nous sommes à même de "sentir" chaque posture.
Sri TKV Desikachar a toujours mis l'accent sur ce fait:
" Peu importe la beauté d'une posture, ou la souplesse des corps. Si nous ne parvenons pas à réaliser l'intégration, l'unification, du corps, de la respiration et de l'esprit, nous pouvons difficilement prétendre que ce que nous faisons est du Yoga. Le Yoga est quelque chose que nous expérimentons de l'intérieur, au plus profond de notre être. Le Yoga n'est pas une expérience extérieure. Dans le Yoga, nous essayons d'être aussi attentifs que possible à tout ce que nous sommes en train de faire."
Tout est dit.
* Asana =(nf) terme Sanskrit** pour évoquer les postures, les "placements spécifiques du corps"
** Sanskrit = (nm) la plus ancienne langue indo-européenne, parlée dans le sous-continent indien. Tous les textes anciens du Yoga, de l'Ayurveda, de tous les chants sacrés indiens sont en Sanskrit. On la dit la "langue mère" de toutes les langues indo-européennes.
*** Prana = (nm) terme Sanskrit qui évoque ici l'énergie vitale, le Souffle Vital.
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